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Maison Close
Depuis le début des années 2000 et l’explosion d’Internet et du téléchargement illégal, les séries TV sont devenues un produit culturel à part entière, qui pousse scénaristes et producteurs à redoubler d’inventivité pour proposer aux spectateurs des concepts innovants. C’est ce qu’essaie de faire depuis quelques années Canal + avec ses séries estampillées « création originale ».
Après la mafia corse, le monde de la pornographie et le terrorisme, la chaîne cryptée s’est engagée fin 2010 sur le sujet de la prostitution au 19ème siècle. Le pitch est simple : une maison close de Paris, peu après l’épisode de la Commune, une maquerelle accumulant les difficultés et une jeune fille tombant dans le piège en cherchant sa mère.
S’il y a un point sur lequel il serait difficile de faire un reproche à cette série en 8 épisodes de 50 minutes, ce sont les décors et les costumes. Pour le coup, c’est criant de vérité. Et on peut facilement imaginer que cela a occupé une bonne partie du budget. Des rues de Paris aux chambres du Paradis, on s’y croirait vraiment. Chaque pièce semble avoir son atmosphère propre et ses personnages, ce qui permet au spectateur, d’un seul coup d’œil, d’anticiper la scène qui va suivre.
À contrario de cet effort de réalisme, les choix musicaux du réalisateur Jacques Ouaniche cassent l’ambiance au lieu de la créer. Tout d’abord, beaucoup de ces musiques sont de notre époque, ce qui dénature la scène que l’on a sous les yeux. Mais le pire vient surtout de ces effets d’étouffement du son qui pourraient faire croire que la musique est diffusée dans la pièce par un appareil quelconque. Or, dans les années 1870, le phonographe n’existe pas encore. Du coup la sensation du réel disparaît dès lors que la musique entre en jeu.
Ce n’est pas le seul point négatif de Maison Close. Le jeu est très inégal, parfois poussif, comme avec Catherine Hosmalin (Marguerite), trop théâtrale, ou Jemima West (Rose), faussement habitée. À l’inverse, Nicolas Briançon (Pierre Gaillac) et Anne Charrier (Vera) sont plus que crédibles dans leurs rôles respectifs et Valérie Karsenti, plus connue pour son rôle dans Scènes de Ménage, s'avère méconnaissable, dans le bon sens du terme, en maquerelle homosexuelle.
Ensuite vient le scénario, peu inspiré et très mal mis en contexte. Les intrigues inutiles, et les scènes qui vont avec, se multiplient et la période choisie est loin d’être familière du grand public. En effet, Ouaniche a choisi de situer l’action après la fin de la Commune, période sanglante de l’histoire de Paris, où une partie de la population a souhaité transformer la ville en autarcie. À moins d’avoir fait des études poussées en Histoire, ou bien d’avoir été se renseigner pendant la diffusion, il était difficile de comprendre une bonne partie des références et donc, par extension, de certains tenants et aboutissants.
Mais ce qui reste le défaut majeur de Maison Close c’est sa réalisation. Elle n’est pas mauvaise, non ! Elle n’est juste pas adaptée au rythme d’une série télévisée. Alors qu’une des plaintes majeures du public francophone sur les réalisations nationales porte sur leur lenteur, ce feuilleton bat des records. Silences sur plans fixes, discussions peu audibles et autres éléments du cinéma d’auteur ponctuent régulièrement la production. Résultat, en se focalisant sur l’intrigue principale autour du personnage de Rose et en supprimant les morceaux superflus, on aurait pu obtenir un très bon film d’époque de 2 heures.
Enfin, la grosse déception de ce feuilleton vient de son ambiance. Déjà plombée par la réalisation lente, elle n’est pas à la hauteur des attentes nourries autour d’une série s’appelant Maison Close. Certains saluent « une réalité érotisante », je parlerais plutôt d’un effet pétard mouillé doublé d’une faute de mauvais goût, les scènes à caractère sexuel tenant plus de la pornographie crue et cruelle que d’une finesse érotique digne du cinéma des années 80.
On conclura donc sur cette série en parlant d’une déception ennuyeuse et d’une fiction qui ne répond ni aux attentes, ni aux codes du genre télévisuel. Une « création originale » qui l’était peut-être trop…